Aller au contenu

Observatoire des Actions de Groupe

La Cour de cassation donne des précisions sur les pouvoirs du juge de la mise en état pour ordonner des expertises médicales dans le cadre de l’Action de groupe contre Bayer (re Androcur)

Association aide aux victimes des accidents du médicament (AAAVAM) c. Bayer HealthCare SAS

Le 2 mai 2024, la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi en cassation de Bayer HealthCare, soulevé dans le cadre de l’action de groupe engagée par l’Association aide aux victimes des accidents du médicament (AAAVAM) et al. à l’encontre du laboratoire (Cass. civ. 2e, 2 mai 2024, Pourvoi n° 22-10.480). https://www.courdecassation.fr/decision/66332ca4cbff4d0008b074b9

L’arrêt est très intéressant en ce qu’il vient confirmer que le juge de la mise en état, alors même qu’il se déclare incompétent pour juger des fins de non-recevoir au profit du tribunal judiciaire, peut ordonner des expertises médicales au regard des cas individuels. En effet, elles sont essentielles pour permettre à la juridiction de fond de trancher sur la recevabilité et la responsabilité de la défenderesse.

En l’espèce, le juge de la mise en état s’était déclaré incompétent au profit du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Bayer et l’ANSM, et avait ordonné une expertise.

Bayer avait ensuite saisi le premier président de la cour d’appel afin d’être autorisé à relever appel de cette ordonnance. Or, pour rappel, « Il résulte de la combinaison des articles 150 et 272 du même code (CPC) que l’ordonnance par laquelle le premier président d’une cour d’appel statue sur la demande d’autorisation de relever appel d’un jugement ordonnant une expertise ne peut être frappée de pourvoi. Il n’est dérogé à cette règle qu’en cas d’excès de pouvoir ».

Bayer a donc interjeté un pourvoi en cassation d’un potentiel excès de pouvoir par le juge de la mise qui aurait commis un déni de justice : d’abord, en ne décidant pas sur les fins de non-recevoir soulevées par la défenderesse, ensuite en ordonnant des expertises médicales au regard des cas individuels présentés au soutien de l’action.

Par une lecture du code de la santé publique (articles L. 1114-1, L. 1143-1, L. 1143-2, L. 1143-3), du chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du code de procédure civile, les travaux parlementaires de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, et notamment par le rapport n° 2673 fait au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, déposé le 20 mars 2015, la Cour de cassation rappelle que :

  • « la procédure se déroulera en deux phases : dans une première phase, le juge saisi de la demande devra s’assurer de sa recevabilité, constater la responsabilité du producteur, du fournisseur ou de l’utilisateur du produit de santé, et définir les critères permettant aux usagers de rejoindre l’action de groupe… ».
  • « Le texte ne désignant pas de juridiction spécifique, le juge saisi devra donc être celui qui est territorialement et sectoriellement compétent (juge judiciaire lorsque le responsable supposé est une personne privée, juge administratif lorsqu’il est une personne publique). »
  • « Le juge saisi de la demande peut ordonner toute mesure d’instruction, y compris une expertise médicale. Et selon l’article 849-2 du code de procédure civile, issu du même décret, la demande (d’action de groupe) est formée, instruite et jugée selon les règles applicables à la procédure écrite ordinaire (…)

Et la Cour de cassation de décider l’irrecevabilité au motif que :

«  (…) lorsqu’une action au fond est engagée devant le tribunal judiciaire, il appartient au président, en application de l’article 779 du code de procédure civile, de renvoyer les affaires qui ne sont pas en état d’être jugées au juge de la mise en état, qui, selon l’article 789, 4°, du même code, est seul compétent, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, pour ordonner toute mesure d’instruction. »

Dès lors, « … dans le cas où une action au fond est introduite, et qu’il est désigné, le juge de la mise en état est compétent, dans la première phase de l’action de groupe, pour ordonner une mesure d’instruction, laquelle doit, à ce stade, être limitée aux points techniques de nature à éclairer le juge du fond sur les questions relatives à la mise en cause de la responsabilité du producteur, du fournisseur ou du prestataire utilisateur du produit de santé, à la définition des critères de rattachement permettant aux usagers de rejoindre l’action de groupe, et aux dommages susceptibles d’être réparés. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *